“La Réunification des deux Corées”

Traduction d’une critique de de la première macanaise de “La Réunification des deux Corées” (2018) :

Cheong Kin I défie les tabous de l’amour

Macao Daily News

“La Réunification des deux Corées”, malgré la forte implication politique de son titre, cette pièce consiste en 20 histoires “d’amour” : 20 manières différentes d’aimer, 20 relations amoureuses. Résidante à Taïwan, la jeune metteuse en scène Cheong Kin I (aussi connue sous le nom de Kini Cheong) a sélectionné 15 histoires de cette innovante pièce française et reviendra, en février, avec les spectateurs sur ces moments clés de la vie, pour se confronter avec l’amour et dépasser les frontières en défiant les tabous des sentiments amoureux. 

Principalement en tant que petite actrice, Cheong Kin I est en contact avec le théâtre depuis l’école maternelle. C’est en 2007 qu’elle entre pour la première fois en contact avec le métier de metteur en scène lorsqu’elle écrit et met en scène “Procura à Mão, os Gritos que Não Gritam”. Elle constate alors qu’être metteuse en scène permet de développer la créativité et le pouvoir d’imagination. Son admiration pour les performances de Taïwan l’amène au même moment à choisir d’étudier la mise-en-scène à la Taipei National University of the Arts. Après ses études en 2013, elle décide de rester à Taïwan pour développer sa carrière : “Taïwan est un environnement nouveau dans lequel je peux être en contact avec une culture différente, ce qui stimule ma créativité et ma manière de penser,” nous dit Cheong Kin I. Selon elle, les taïwanais défendent très fort leur identité, leurs valeurs et se démènent pour porter la culture de Taïwan à l’étranger. Cette liberté et cette atmosphère de création sont à son avis la plus grande motivation pour la création et la réflexion sur son identité en tant que macanaise.

La dernière fois que Cheong Kin I a mit en scène à Macao fût à l’occasion de la pièce “A Traffic Congestion” à l’invitation de la Godot Art Association.

“Il n’y a personne qui ne sait pas jouer, c’est seulement les metteurs en scène qui parfois ne savent pas mettre en scène,” dit Cheong Kin I.

Collaborer avec des acteurs de Taïwan ou de Macao, cela ne fait selon elle pas de différence. Chaque acteur a des spécificités différentes, le plus important est de capturer les réactions les plus sincères des acteurs. 

Cette année, Cheong Kin I revient donc à Macao en compagnie d’acteurs macanais et taïwanais pour porter devant les spectateurs leur interprétation des 15 chapitres du scénario de la pièce “La Réunification des deux Corées” de Joël Pommerat, ce dramaturge créatif et contesté du théâtre français contemporain. Cheong Kin I confesse avoir été d’abord attirée par le titre très politisé de la pièce, pour ensuite se retrouver fascinée pour le contenu, en réalité, ni historique ni politique : “Les deux Corées sont en fait utilisées comme métaphores pour parler des relations entre les gens, ainsi que l’impossibilité de communication, les séparations et l’impuissance dans l’amour.” Elle décrit ces histoires d’amour comme communes et authentiques, étranges et profondes, humoristiques et tristes. Elle en profite d’ailleurs pour citer le poète Paul Valéry :

“Dieu créa l’homme, et ne le trouvant pas assez seul, il lui donne une compagne pour lui faire mieux sentir sa solitude.”

Au long des histoires de la pièce, Cheong Kin I nous relève différentes manières d’aimer : étranges, froides, solitaires, ou sans voix. “Peut-être vous n’avez jamais pensé qu’il y a des gens qui considèrent les relations amoureuses de cette manière, mais en réalité il y a vraiment des gens qui décident de mettre fin à une relation pour des raisons bizarres”, raconte la metteuse en scène. 

“La Réunification des deux Corées” est le fruit du travail d’improvisation des acteurs avec l’auteur. Pour Cheong Kin I, la difficulté de cette pièce réside dans le fait que les caractères des personnages, les événements, la scénographie ne sont pas clairement définis et qu’il faille constamment chercher après une direction avec les acteurs pendant les répétitions. Elle se sent très reconnaissante envers les membres de sa famille qui connaissent le français et qui l’ont aidé à comprendre plus profondément le scénario au travers du texte dans sa version originale. Elle reconnaît attendre maintenant plus du fait de pouvoir continuer de s’exprimer au travers de la pièce plutôt que de connaître les réactions et les échos du public. “Les gens sont tous les mêmes, et tous différents à la fois”, nous dit-elle, même une pièce de théâtre doit avoir une direction et une atmosphère très claire afin de pouvoir guider les pensées des spectateurs et leurs différentes réceptions artistiques. “C’est justement ça qui est le plus intéressant dans l’art du théâtre, c’est aussi ce qui est le plus beau”, conclut-elle.

Traduit du Chinois-Mandarin par Cheong Kin Man et Mathilde Denison Cheong (2018).

Note des traducteurs : L’auteur de cet article préfère signer la traduction de ce reportage avec l’abréviation de son nom en cantonais “Sin.F”. L’article original est quant à elle signé de son pseudonyme.

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